Artisanat du cuir

Le cuir marocain est une composante de l’artisanat marocain réputé depuis des siècles à travers le monde. C’est d’ailleurs au XIVe siècle que l’on commence à entendre parler du « maroquin », mot qui désigne le cuir de chèvre et de mouton provenant du Maroc.

Le travail du cuir est une tradition liée à de nombreuses villes du Maroc, telles que Fès, Meknès, Marrakech, Rabat, Tétouan, Tanger, d’où provient la moitié de la production de cuir. Avec le temps, cette tradition du travail du cuir a perduré puisqu’on retrouve encore aujourd’hui des quartiers entiers avec des cuves colorées, où de nombreux tanneurs s’activent comme à Fès et Marrakech et qui offrent un spectacle assez extraordinaire.

De nos jours, les nombreux articles du travail du cuir présentent une source de revenus considérable pour les artisans. ils sont en tête des exportations de produits artisanaux après les tapis.

Histoire de l’artisanat du cuir

Travail du cuir

Le cuir est l’un des produits connus depuis l’Antiquité. Les archéologues ont retrouvé des sculptures égyptiennes qui représentent des artisans en train de travailler le cuir. De plus, des restes de cuir d’il y a environ 6000 ans ont fait l’objet de découverte.

Le processus où la peau est travaillée pour obtenir du cuir s’est amélioré au fur et à mesure. Au départ, la peau était utilisée sans beaucoup de traitement, juste en exposant la peau au soleil et l’air libre. Par la suite, différentes huiles ont été introduites et également des matériaux naturels comme les feuilles, les branches, les écorces trempées dans l’eau afin de mieux préserver la peau.

Aujourd’hui, la découverte de méthodes chimiques facilite largement cette étape.

La transformation de la peau en cuir

La transformation de la peau pour obtenir du cuir sur un produit nécessite un haut niveau de perfection pour que la production soit qualitative. Plusieurs étapes compliquées et complexes se succèdent et doivent être exécutées avec perfection afin d’aboutir à un cuir parfait.

L’étape de conservation

La peau des animaux est composée en surface d’une couche protectrice d’eau, de protéines, de graisses et d’un certain nombre de substances minérales.

Le derme à partir duquel le matériau cutané est constitué est un tissu conjonctif, musculaire et tiers gras, avec des proportions variables selon l’âge de l’animal, son sexe et son état général. Ces pourcentages sont d’une grande importance en ce qui concerne la qualité du matériau cutané extrait de la peau crue. S’il contient un grand pourcentage de graisse, la peau est semblable à une éponge, cependant, si la proportion de tissus conjonctifs est plus importante dans la peau crue, le cuir obtenu est ferme et doux.

La peau brute passe par différentes étapes selon le type de cuir. Avant d’atteindre la tannerie, la peau doit être préservée et protégée. Dans les heures suivant l’abattage de l’animal, la décomposition de la peau doit être évitée. Afin de préparer la peau au processus de tannage, elle doit être vérifiée pour s’assurer de sa qualité, ensuite les extrémités sont coupées avant de la tremper dans de l’eau pendant une période comprise entre trois et vingt-quatre heures. La peau est nettoyée de la saleté et des impuretés, puis salée, sèche ou humide, ou placée dans des acides et des sels pour rester en bon état pendant le transport et le stockage vers la tannerie.

Il existe un groupe de méthodes utilisées pour empêcher les peaux brutes de pourrir avant d’être transférées dans les tanneries, y compris le séchage. Le cuir chevelu sec ne pourrit pas. Il reprend son état naturel après trempage dans l’eau, mais la méthode la plus largement utilisée est la méthode artisanale antique de salage. Les peaux sont salées des deux côtés, et étendues en plein soleil et la couche de sel est appliquée vigoureusement par frottage avec la main pour faciliter la pénétration. Le sel qui fond est remplacé par une nouvelle couche, l’opération dure trois à quatre jours.

Le travail de rivière

Le travail de rivière est la première étape de transformation que va subir la peau de l’animal. Il modifie la nature et les propriétés du cuir, car il le rend plus résistant aux facteurs de décomposition naturels. Il transforme la peau en un produit utilisable par l’homme.

Le travail de rivière est réalisé avec une méthode artisanale ancestrale. Aujourd’hui, elle est réalisée en une seule fois dans d’énormes tonneaux. Mais au Maroc, elle est toujours réalisée artisanalement comme au moyen âge. L’objectif du travail de rivière est d’obtenir un cuir assez souple, mais robuste. Ainsi plusieurs étapes manuelles se succèdent, exécutées avec précision et discernement.

travail de riviere cuir

Le trempage

La première opération dans la tannerie consiste à faire tremper la peau dans un bassin d’eau propre afin de se débarrasser des impuretés, à savoir, le sang de l’animal et des sels accumulés à l’intérieur. Le cuir est trempé pendant une période variant selon la saison, les besoins et le type de peau. Il varie entre une nuit en été à sept jours en hiver. L’objectif est de restituer l’eau que la peau a perdue lors du salage et de la conservation. La peau retrouve son poids initial et gonfle légèrement.

La calcination

Appelée en arabe « Iferd », au cours de ce processus, la peau brute est trempée dans un bassin qui contient un mélange d’urine de vache, de chaux vive, de cendre, d’eau et de sel. Ce mélange caustique contribue à décomposer la résistance du cuir, détacher l’excès de graisse et de chair, et des poils qui sont restés dessus. Placés dans ce bassin pendant deux à trois jours, les produits affaiblissent les mèches de cheveux et la surface intérieure du cuir chevelu et préparent ainsi l’étape suivante, à savoir l’épilation. Les peaux macèrent dans ce mélange de 15 à 20 jours en été et jusqu’à 30 jours en hiver.

L'épilage

Ensuite, les tanneurs suppriment à la main les excès de poils et de graisse en vue de préparer les cuirs pour l’étape de tannage. À l’aide d’un couteau qu’ils tiennent des deux mains, ils arrachent les poils de la toison tendue sur une perche appuyée contre le mur. Ce travail d’épilage est effectué dans des locaux spéciaux, disposés autour de l’aire centrale. Au fur et à mesure que cette opération se poursuit, il retire et fait glisser vers le haut la partie de la peau déjà épilée, qui vient pendre entre le mur et la perche.

Les peaux ainsi épilées sont plongées dans des bassins à chaux remplis d’eau chargée de chaux éteinte puis de chaux active et de chaux vive. Le maître-tanneur doit surveiller de très près la durée de ces bains. Souvent, surtout l’été, il faudra se lever la nuit pour aller retirer les peaux pour les épiler.

L'acidification

Lorsque le cuir est trempé dans de l’eau pure pour garantir l’élimination du calcium, le cuir est trempé dans un milieu acide pour rendre l’acidité de la peau adaptée aux processus de tannage suivants. Généralement, les bassins contiennent un mélange d’eau et d’excréments de pigeons. L’excrément de pigeon contient de l’ammoniaque, ce dernier agit comme agent adoucissant qui rend le cuir malléable afin de mieux absorber le colorant. Le tanneur utilise ses pieds nus pour malaxer les peaux jusqu’à trois heures durant pour obtenir la souplesse souhaitée.

Le lavage

Les peaux devenues parfaitement nettes passent au lavage. Les tanneurs étalent les peaux dans les bassins d’eaux pour être progressivement purgés de la chaux. Elles subissent d’abord un lavage préparatoire de deux heures dans le premier bassin puis elles sont jetées dans un second plus profond où une équipe de deux ou trois ouvriers descend pour les fouler méthodiquement, en rythmant leurs efforts par une mélopée caractéristique. Ils sont penchés en avant et prenant appui de leurs deux bras sur la margelle du bassin. Ils plongent leurs pieds en cadence dans les peaux qu’ils foulent et piaffent comme des coursiers impatients. Les peaux évacuent leurs impuretés et les traces de chaux qu’elles gardaient, le tout s’écoulent avec l’eau puis se renouvellent constamment. Cette opération dure environ trois heures.

Le tannage du cuir

Tannage du cuir

Les peaux sont battues avec de la pierre d’alun, de l’huile et de l’eau avant de recevoir le colorant. Cette opération est pratiquée par les tanneurs eux-mêmes sur les terrasses. Les peaux sont placées dans des fosses de teinture contenant des colorants végétaux naturels.

Il existe différentes méthodes de tannage, et le choix est fait entre les méthodes en fonction de l’utilisation finale de la peau, et parmi ces méthodes :

  • Le tannage végétal : c’est la méthode de tannage la plus ancienne, elle dépend des parties des plantes pour la présence de tanin, c’est-à-dire l’acide tannique en elles, qui produit des peaux solides et résistantes à l’eau.
  • Le tannage minéral : qui utilise du sel minéral pour la production de cuir souple.
  • Le tannage à l’huile : c’est également une ancienne méthode qui repose sur l’huile de poisson ou d’autres afin de stocker les matières grasses et donne une hydratation naturelle à la peau et produit une peau lisse comme le cuir de chamois.

Au Maroc, c’est le tannage végétal en respect de la nature qui est utilisé depuis la nuit des temps. Les tanins les plus connus et utilisés au Maroc sont : La menthe pour le vert, le safran ou un mélange d’huile et de grenadier pour le jaune, la fleur de pavot ou coquelicot pour le rouge, l’indigo pour le bleu, le henné pour l’orange, le bois de cèdre pour le brun, le khôl pour le noir… Les tanneurs versent la peinture par petits jets sur la peau et l’étendent sur toute la surface côté fleur en frottant de la main pour la faire pénétrer, ensuite les peaux sont étendues sur la paille au soleil.

Assouplissement du cuir

La peau est étendue en long et l’ouvrier travaille courbé constamment, appliquant contre sa poitrine l’arc en bois. De la main droite, il tient la manche en fer, tandis que la main gauche sert à tendre la peau. Le lissage se fait côté chair puis, il pratique le grainage côté fleur sur un petit dôme en terre cuite.

Séchage

Une fois que le cuir est teint, il est mis à sécher au soleil. Le cuir fini est ainsi tanné et assoupli, il est ensuite vendu à d’autres artisans qui fabriquent les célèbres chaussons marocains, connus sous le nom de babouches, ainsi que des portefeuilles, des sacs à main et autres accessoires en cuir. Beaucoup de ces produits se frayent un chemin dans les marchés européens.

Babouche en cuir

Tanneries de Fès

La ville de Fès est la capitale scientifique du Maroc, située au nord centre du pays, est célèbre pour entretenir l’artisanat du tannage du cuir de manière traditionnelle. Beaucoup de ses citoyens pratiquent depuis des siècles. L’ancienne médina regorge d’artisans de toute discipline, mais celle qui caractérise particulièrement la ville de Fès est l’art du cuir.

Fès est une destination populaire pour les touristes, qui s’y rendent entre autres pour découvrir un cuir façonné artisanalement à 100 %. D’assister à un spectacle d’un processus de fabrication ancestral et qui existe exclusivement à Fès.

Il y a deux siècles, Fès abritait le plus grand nombre de maisons de tannage au Maroc. Seule une dizaine de maisons de tannage ont réussi à maintenir leur continuité, devenant aujourd’hui en plus d’être le lieu principal du tannage du cuir de manière traditionnelle. La plus célèbre est « Dar Al-Dabbagh Chouara », son histoire remonte à plus de 12 siècles et elle fonctionne toujours de la même manière. Elles sont également des attractions touristiques les plus importantes qui attirent tous les visiteurs de la capitale scientifique marocaine, qu’ils soient marocains ou étrangers.

Tanneries de Marrakech

La plupart des tanneries sont réparties à Fès, cependant, d’autres tanneries à Marrakech survivent encore à l’industrialisation et conserve toujours leurs méthodes traditionnelles et manuelles pour la fabrication du cuir. La préservation de l’artisanat du cuir à Marrakech est due à l’image de cette ville et son grand attrait touristique. Malgré les odeurs désagréables, un grand nombre de touristes affluent vers les tanneries, notamment les étrangers, curieux de découvrir un savoir-faire millénaire et unique de son genre au monde.

Le cuir utilisé dans la fabrication de chaussures, sacs à main, manteaux et meubles provient des animaux, en particulier du bétail. Une petite partie des articles présents sur le marché est faite à base de cuir de crocodile, de requin et de serpents. Cette dernière représente principalement le segment haut de gamme et luxe de cette industrie. Le cuir marocain est travaillé avec une méthode ancestrale et rigoureuse afin d’obtenir un cuir tanné artisanalement. L’avantage du cuir tanné est son élasticité, sa haute résistance et sa grande durabilité et son épaisseur.